Pour réduire l’impact environnemental et social lié aux batteries, l’Europe adopte une législation innovante qui considère le cycle de vie entier des batteries, de leur fabrication jusqu’à leur recyclage. Voici un décryptage de cette loi, de son applicabilité, et de l’état actuel du recyclage des batteries.
Avec l’ambition de l’Union européenne d’électrifier son parc automobile et d’opérer une transition énergétique, la problématique de la production de batteries électriques et leur impact carbone, notamment en raison de l’extraction des minerais, est mise en avant. Le nouveau règlement, appelé “Loi sur les batteries durables et recyclables”, adopté récemment par le Parlement européen, vise à promouvoir une fabrication de batteries respectueuse de l’environnement.
Une première dans l’histoire législative européenne : la prise en compte du cycle de vie d’un produit depuis sa conception jusqu’à son recyclage. Ce dispositif législatif, qui remplacera la directive sur les batteries de 2006, pousse les fabricants à concevoir des batteries plus aisément remplaçables et recyclables. Auparavant, la réglementation exigeait seulement le recyclage de 50% du poids de la batterie, sans préciser la nature des matériaux ou la qualité nécessaire pour leur réintégration dans de nouvelles batteries. Jean-Philippe Hermine, directeur à l’IDDRI (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales), voit dans cette loi non pas une contrainte, mais un cadre stimulant pour l’évolution de la filière.
La loi est perçue comme un vecteur de direction pour les investissements essentiels, qu’il s’agisse de développement technologique ou de capacité industrielle. À partir de 2024, elle imposera aux fabricants de déclarer l’empreinte carbone totale de chaque batterie et fixera des critères de durabilité et de performance à partir de 2026. Elle engage ainsi la responsabilité des producteurs et des constructeurs automobiles face aux enjeux environnementaux.
La transparence pour les consommateurs est également une priorité. Les performances et la durabilité des batteries seront communiquées via des étiquettes et des QR codes. Un “passeport numérique” de la batterie, détaillant son origine et sa composition, est également prévu. Les distributeurs en Europe devront vérifier l’origine des matières premières, telles que le lithium, le nickel et le cobalt, afin de s’assurer du respect de normes environnementales et sociales strictes.
Les chercheurs accueillent favorablement cette initiative, bien que la réalité technologique reste un défi. Jean-Marie Tarascon, professeur au Collège de France, souligne que la loi guide la recherche vers ces objectifs, mais l’atteinte des buts dépendra de la maturité technologique. Ses travaux sur la batterie intelligente, dotée de capteurs pour surveiller l’état de la batterie, en sont un exemple : efficaces en laboratoire, leur déploiement industriel exige du temps et une compatibilité avec les procédés de fabrication actuels.
De plus, la loi encourage le développement de méthodes de recyclage plus écologiques. Les techniques existantes, hydrométallurgiques et pyrométallurgiques, sont énergivores et peu respectueuses de l’environnement. Des procédés de recyclage innovants, capables de séparer et de régénérer les composants des batteries sans consommer excessivement d’énergie, sont nécessaires.
En anticipant la croissance rapide des projets de “giga-factories” en Europe, Jean-Philippe Hermine insiste sur l’urgence d’augmenter nos capacités de recyclage pour gérer les déchets de production. Cette progression est capitale pour l’Europe afin de minimiser sa dépendance, en particulier vis-à-vis de l’extraction minière à l’étranger.
Cette réglementation s’appliquera aussi aux batteries importées et pourrait devenir un modèle pour d’autres secteurs à l’avenir.